jeudi 3 mars 2016

La motricité libre, keskecé...?

La motricité libre est un sujet qui me tient vraiment à coeur... D'abord parce que c'était mon instinct de maman, mon intuition... Par la suite j'ai découvert l'expérience d'Emmi Pikler, pédiatre hongroise qui a été à l'origine d'une conception nouvelle du bébé et de son développement, et qui a confirmé ce que je pressentais sans oser encore l'intégrer à ma pratique professionnelle. Et pourtant, un développement psychomoteur harmonieux permet également le développement de la motricité bucco-faciale, qui va permettre l'émergence de la parole...

Mais alors, c'est quoi exactement la motricité libre ? 


Emmi Pikler disait que "la motricité libre consiste à laisser libre cours à tous les mouvements spontanés de l'enfant, sans lui enseigner quelque mouvement que ce soit".
Il s'agit donc de laisser bébé découvrir son corps, de le laisser faire l'expérience de mouvements libres (c'est-à-dire non entravés) et de ses capacités à se déplacer. C'est une approche bienveillante et respectueuse du rythme de développement propre à chaque enfant basée sur l'observation et l'accompagnement par la parole plutôt que le "faire à la place de..."
En effet, le corps humain (sauf en situation de handicap) est "programmé" pour se retourner, attraper, lever la tête, ramper, se lever et marcher...sans aucune intervention extérieure. Si bébé n'essaie pas de lui-même, c'est qu'il n'est physiologiquement ou neurologiquement pas encore prêt pour cette acquisition. L'inciter, l'aider, ou le mettre dans une position qu'il n'a pas encore découvert seul risque paradoxalement de retarder son développement.

Tous les enfants franchissent les mêmes étapes d'acquisitions motrices, et ce n'est pas un hasard... On peut considérer qu'elles obéissent à 3 lois "universelles".

La loi de différenciation
Au début, le bébé a une sensibilité et une motricité globales. Quand on touche un nouveau-né, il le ressent dans tout son corps et pas seulement à l'endroit exact où il a été touché (en passant, quand il a mal aux dents ou faim, c'est la même chose...il a mal sans tout son corps...). Les décharges motrices sont également indifférenciées et généralisées à tout le corps.
En grandissant, les compétences motrices et sensitives s'affinent, pour devenir de plus en plus élaborées, précises et localisées. 

La loi de variabilité :
Le perfectionnement progressif des compétences ne se fait pas de manière uniforme et continue. Parfois, les progrès semblent rapides, puis peuvent s'arrêter brusquement pour laisser place parfois à une régression, avant de repartir plus lentement.

La loi de succession
Une étape après l'autre... Le contrôle musculaire s'effectue toujours de la tête vers les pieds (céphalo-caudal) et du centre vers la périphérie (proximo-distal). Voilà pourquoi bébé peut soulever sa tête avant de s'assoir puis de se tenir sur ses pieds. Cela explique également pourquoi l'enfant peut contrôler les mouvements de ses bras avant d'acquérir la motricité fine (digitale par exemple). 




  (Une illustration des différentes étapes, tirée de "Se mouvoir en liberté dès le plus jeune âge" d'Emmi Pikler)

 

En pratique, qu'est-ce qu'il faut faire ?


Justement... RIEN ! 
Attention, il ne s'agit pas de laisser bébé "se débrouiller", ni de le laisser "livré à lui-même" ! 
L'idée, c'est plutôt d'être là tout simplement et de proposer à bébé un environnement qui lui permette de se mouvoir en liberté.

Concrètement, ça veut dire qu'un grand tapis/matelas au sol et 3-4 jouets ou hochets simples, au début c'est exactement ce dont bébé a besoin.
Si bébé est vraiment tout petit, on peut délimiter le grand espace du tapis en mettant par exemple un coussin d'allaitement derrière sa tête, histoire qu'il ne se sente pas "perdu" mais au contraire "contenu" comme dans les bras de papa et de maman...

Quelques jouets simples suffisent pour éveiller la curiosité de bébé...des jouets très bruyants ou colorés ont tendance à sur-stimuler bébé, qui va se fatiguer plus rapidement.
Attention également aux jouets trop lourds... Un bébé qui commence tout juste à maîtriser volontairement les muscles de son bras et de sa main n'a pas beaucoup de force ; et s'il ne peut pas garder le jouet en main, il ne pourra pas le porter à la bouche pour découvrir d'autres sensations et développer sa motricité bucco-faciale.

Attention encore aux portiques à poser au-dessus de bébé afin de "l'occuper"... Souvent très colorés, parfois bruyants, il sur-stimulent aussi les compétences visuelles et auditives des tout-petits. 
J'ai vu beaucoup de bébés sursauter quand par hasard leur pied touche le portique dans un bruit fracassant (pour des petites oreilles...)... En sursautant, ils font un autre mouvement involontaire qui fait à nouveau du bruit, etc... Bébé bouge les bras et les jambes dans tous les sens sans aucune tentative de contrôle musculaire et de manière totalement désorganisée... Certains pensent que ça l'amuse...je pense que ça l'épuise !
Pourquoi ne pas lui proposer à la place du portique un mobile suspendu, un peu plus loin de lui, qui bougerait de façon délicate et surtout lentement au gré de vos passages à côté de lui. Ainsi, si son regard est "accroché" il peut s'apaiser un moment en le regardant, mais il peut aussi s'en détacher quand il le souhaite.

Attention enfin aux...vêtements ! Et oui...qui dit motricité libre dit liberté de mouvement...! 
Pour savoir si ce que porte bébé lui laisse toute sa liberté de mouvement, observez-le bouger quand il est nu ou juste en body. Il doit se sentir aussi à l'aise quand il sera habillé : est-ce que le "jean" ne lui serre pas la taille ou les jambes, est-ce que la robe ne lui remonte pas le long du dos à force qu'elle gigote, est-ce que la tirette du gilet ne lui blesse pas le menton, est-ce que les mini-baskets sont vraiment nécessaires alors qu'il ne marche pas encore dehors...???

Quels sont les avantages pour bébé ? 


La motricité libre permet aux bébés, puis aux enfants de rester activement à la recherche du "mouvement juste", c'est-à-dire le mouvement qu'ils découvrent par eux-même et qui est en accord avec leurs compétences actuelles et avec l'environnement dans lequel ils évoluent.
Cette approche a des retentissements directs sur :
  • la confiance en soi : réussir par lui-même donne à bébé le sentiment d'être "capable de...", ce qui est très valorisant et lui permet de tenter de nouvelles découvertes.
  • le repérage spatial : s'orienter, comparer des hauteurs ou des distances, évaluer le chemin à parcourir...autant de découvertes qui sont les bases d'un futur repérage spatial harmonieux.
  • la régulation émotionnelle : se familiariser avec la notion "d'échec" et découvrir la persévérance, apprécier une réussite à sa juste valeur (attraper le jouet qu'on convoitait depuis quelques minutes est une réussite...!).
  • le développement de l'autonomie : essayer c'est s'autoriser à ne pas réussir du premier coup, faire preuve de créativité pour surmonter les obstacles... On retrouve l'idée "aide-moi à faire seul" de la pensée de Maria Montessori.
  • le développement de la communication : bébé est actif, il peut prendre l'initiative d'un échange verbal ou non-verbal.

Et comme un dessin parle parfois beaucoup mieux qu'un long discours...je vous propose de découvrir les illustrations de Bougribouillons, tellement justes et tellement jolies qu'on ne peut que les partager... !



motricite libre bébé posé au sol, pas de transatmotricité libre acquisition position assismotricite libre acquisition de la marchemotricite libre parc espace nidomotricite_libre_mouvement3

Ca vous semble compliqué à mettre en oeuvre, ou bizarre...n'hésitez pas à me poser des questions !

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